Marronage.
Tant d’invisibles sont entrées dans ce cadre. Je ne pourrais pas les nommer.
Invisibles non-identifiées, iels étaient dissimulées dans le vertige du quotidien, d’une image saisie dans son ensemble, dans le flou de l’imperceptible ;
Encapuchées, invisibles mais pas seul.es, autrement dit la grande majorité respirante mais en marge
Grande majorité animée du dedans, en mouvement au dehors.
Trouve un bocal plus grand, fais le tien.
Dans ta peau d’identité, poison ou refuge,
Refuge surtout.
creuse la montagne sans extraire,
comme on marrone une peau d’âme trop petite pour soi et les siens.
Korkozé.
Si je retournais au pays natal, lequel serait-il ?
Aurait-il les contours de canne que j’ai aimés, les contours d’enfance sentie plus que vue ?
Les vagues enveloppées de moi, l’appartenance à ce qui n’est pas un exotisme, mais une chair.
Dans cet habiter nid
entre montagne et rivière dans le lit
enlacés au revers d’espaces exposés
comme un prolongement retrouvé un langage camouflé
dans l’habiter nid le corps parlé
en refuge.
Agrandi par l’horizon de ces géants au côteaux rudes mais changeants
froids mais accueillant
le tracé perdu en lianes recueille l’humus invisible.
Cosmogonies.
La scène serait complexe, un tout organisé mais divers,
d’un autre ordre.
S’agirait-il de l’humain,
s’agirait-il de plantations, d’abstractions, de chaînes invisibles ?
Quelle scène serait assez large pour embrasser le divers, pour miroiter ce qui parle une autre langue,
ce qui
ne se voit pas
serait-ce un chaos, une destruction des mondes bruyants
des mondes pressés, immonde masse ou masse composite
idéalités ou archipels ?
Dualité ou fragmentaire
C’est à peine si j’ose observer la faille qui sépare ces deux ensembles
la fracture est là pourtant entre ce qui existe et ce qui manque
ce qui pourrait éclore ou être avorté
les espoirs et les rêves auxquels aucun réel ne me détermine
entre le héro et l’orphelin esseulé
la mort et le rêve
ce qui me tient est invisible
Je ne fais pas famille
je ne regarde pas le passé avec envie ni amour
je n’évoque pas la bienveillance tant aimée d’adultes qui m’auraient éduquée
rien d’heroïque dans ce maillage,
il ne s’agit pas d’exotisme métissé mais bien de mains autour d’un cou noueux des rages du passé
d’un océan de misère dont pourtant des enfants naissent
se propagent
et parfois regardent leurs liens et esquissent un geste pour entraver les chaînes qui les lient au vide.
Ma bien aimée,
filait le feu et les tracés de nos lignées ensauvagées.
elle étouffait de trop de rage mais ses espoirs clairsemés
apaisaient le gouffre de nos adolescences mutilées
charmante bien aimée ne fit pas de manières chevaleresques
lorsqu’elle me délivra des bras rapaces qui m’enfermaient
Depuis l’aube.
nos amours s’arrachaient
s’acharnaient dans ces combats
qui ne concernent que celles et ceux
qui un jour sentent le feu
de la marge.
Nous arrachions de ces vies déjà cabossées
toute la passion possible pour nos cœurs
pourtant neufs,
fiers
funambules flamboyantes
entre l’obscur et la terreur
entre les horizons bouchés
et les passés esclavagisés
nous tissions nos libertés.
géographie du manque
Filial.
Elle est noire et elle n’a jamais pris la parole,
elle n’a jamais rien déconstruit, n’a pas réfléchit
elle ne connaît ni ses privilèges ni ses droits
c’est une femme à l’âme brisée, une femme évadée
à la lignée et aux noms manquants
ses épaules ploient sous le poids de la pauvreté
ses articulations et sont corps ont été utiles
ils ont lavés, materné, travaillés
ces récits lui ont été ôtés de la bouche et de l’esprit
son corps à été objet, support de projection,
incesté violé avorté frappé étranglé secoué et rejeté
il est habité par la honte et le désespoir
le rire aussi
comme un feu
je l’ai vue en colère
sauver sa propre peau
traumatisée et violente mais l’air espiègle
les larmes le long de ses joues,
l’air de rien
ont fait preuve de la vie qui coule en elle.
Survies.
Civilisé : « Qui est réputé avoir atteint un certain état de civilisation.«
La distorsion est grande, et il en faudrait peu
pour qu’on puisse l’appeler cauchemar.
Entre deux terreurs
La survie.
Comme un parasite
tu t’es accroché à mon épaule
tu t’es couvert d’innocence.
Tu t’es déguisé jusqu’à l’oubli.
Tu m’as accueillie dans les travers de tes plaies
Oubliés les noms, les places et le protocole
Tu as mâché, broyé
jusqu’à la plus fragile forme de vie.
Exterminées, colonisées.
Tu as prouvé qu’il est des recoins humains qui ne valent pas d’être sauvés.
Tu as démontré que de ces hommes, blancs, forts et construits
il est des tueurs d’âmes et de corps.
En masse.
Qui se déploient, dont le pouvoir et la perversité font plier
le monde.
Parasite, tu as cru me garder.
Loger dans mon psychisme et comme un prédateur, m’éliminer.
Colon, me convertir
m’anéantir et museler
ma gueule.
Je reviens,
« et pourtant je m’élève ».
Je reviens et je te laisse loin derrière.
À ma place, loin devant toi
car il est ainsi des corps, du temps et de l’espace, des filiations.
À ta place, que laisseras tu ?
Une fois que toutes, ou presque, se seront relevé,
Guéri, parlé, choyé.
Une fois ma colonne vertébrale et mes épaules redressées
Que feras-tu ?
Une fois désarmé,
percé à jour, nu
Lorsque tes ombres t’auront déserté et qu’il ne restera que ton âme asséchée, stérile
Que toutes se seront passé le mot, passé de toi
Il ne te restera plus qu’à t’en aller
sans remords puisque tu ne le peut pas.
Apatride à ton tour.
Étranger face aux tiens
Jamais apprivoisé puisque tu ne connais pas le lien.